L'économie djerbienne

Djerba a connu une prospérité de renommé pendant des siècles de son histoire. Malgré la rudesse de la région et sa sécheresse, les habitants ont su adapter leur milieu pour l’exploiter et satisfaire leur besoins. Une diversité des activités économiques dans l’île est notable.

Cette activité et aussi ancienne que l’homme sur l’île et le djerbien, pour l’assurer, avait développé et hérité des techniques et des outils spécifiques et variés selon les cultures.

Le dromadaire est l’animal le plus distingué pour le djerbien, car lui seul assure les transports lourds, le labour, l’extraction de l’eau des puits et l’action des meules des huileries traditionnelles, sans omettre  que sa viande est particulièrement appréciée par les insulaires.
Dans le langage courant du Djerbien, le mot Menzel évoque l’idée d’une grande exploitation agricole, irriguée et plantée de palmiers, d’oliviers, d’arbres fruitiers et de culture maraîchère, au milieu de laquelle est bâtie une ou plusieurs habitations entourées des éléments nécessaires à une vie autonome. Ces champs produisent un grand nombre de produit qui font la fierté des agriculteurs djerbiens :

Les palmiers
L’arbre roi, à Djerba, est le palmier. Il occupe la plus grande place dans le paysage jerbien de telle sorte qu'on ne saurait imaginer une vue djerbienne sans un nid de palmiers avec ses dix, quinze ou vingt mètres de haut. La répartition des palmiers est assez inégale. Au centre de l’île ils sont associés aux autres arbres alors que  la périphérie est recouverte d’une bande plus ou moins large. Certains palmiers sont cultivés et irrigués, d’autres vivent à l’état sauvage et forment ce que les djerbiens appellent Nabbout. Les variétés de dattes sont nombreuses, les principales sont: 1- Caguiwa 2- Màttètè 3- Camâri 4- Hamouri 5- Gabsi 6- Lemsi, considérée par certains comme la meilleure variété de Djerba.
La récolte de la sève, legmi, s’exécute moyennant un procédé très délicat qui consiste à dépouiller le palmier de toutes ses palmes et autour du bourgeon terminal ou phyllophore est creusée une rigole circulaire autour de laquelle on accroche une petite jarre. Après cette opération, un suivi quotidien s’impose. Le paysan grimpe jusqu’au sommet pour débarrasser le bourgeon terminal de ses écumes avant de l’entailler et enfin il lave la  rigole circulaire. De ces entailles coule un, liquide ; le legmi, boisson sucrée très appréciée au sud de la Tunisie qui se déverse, grâce à  un roseau lié à la rigole, dans la petite jarre.



Les oliviers
Dès l’antiquité, Djerba avait  le privilège d’être l’un des rares centres de production oléicole en Méditerranée. Cela s’explique par le fait que le climat de la région convient parfaitement à cette activité agricole. Les principales variétés sont le Semlâlî, aux feuilles fines et vertes, et le Zolmâtî, aux feuilles plus larges et d’une teinte verte plus claire.
La cueillette des olives débute dés le mois de novembre, à l’instant où le fruit commence à noircir. C’est un travail presque exclusivement féminin. Après l’étalage des couvertures sous les arbres, certaines femmes grimpent directement ou se servent d’échelles doubles pour atteindre les hautes branches; d’autres trient les olives pour éliminer les feuilles et les impuretés; les enfants ramassent quant à eux les fruits éparpillés hors des couvertures. Les hommes se chargent du transport des olives vers les huileries moyennant des Znâbil, au singulier Zembil,  placés à dos de bêtes.
La taille des oliviers a pour but de répartir la lumière et l’air dans les différentes parties de l’arbre et de lui donner une forme régulière qui facilite la cueillette des fruits. Une partie du bois obtenue, après chaque taille, est utilisée pour fabriquer les ustensiles de cuisine  et les outils agricoles. Le reste est soit consommé comme combustible, soit transformé en charbon.
Le broyage des olives est réalisé, dans des huileries traditionnelles, au moyen d’une meule appelée ‘guiga. Elle tourne sur son axe horizontal et effectue un ripage qui favorise à la fois le broyage des olives et le malaxage de la pâte. Cette meule est attelée à travers un cadre d’attelage à un animal, dromadaire ou mulet, qui tourne inlassablement les yeux bandés. La pâte broyée s’écoule progressivement dans la rigole qui cerne le plateau de broyage puis elle est déposée dans des scourtins.



La céréaliculture
Les surfaces semées varient considérablement d’une année à une autre en raison d’une pluviométrie extrêmement changeante. Après les pluies d’automne, on sème généralement de l’orge, du blé dur ainsi que des lentilles. Vers la fin du printemps, les terres laissées en jachère sont plantées de sorgho nécessitant l’irrigation avec l’eau saumâtre.
Même durant les années pluvieuses où la récolte est bonne, la production reste insuffisante et ne peut nourrir la population djerbienne que pendant quelques mois, ce qui nécessite l’importation de grosses quantités de céréales.

Les arbres fruitiers

Ces vergers se trouvent dans une zone qui couvre une partie du centre et quelques endroits du  Nord de l’île. Dans cette zone, on découvre ce que les voyageurs ont appelé "l’île-jardin".
Aux palmiers et oliviers s’y ajoutent toutes sortes d’arbres fruitiers: pommiers, pêchers, amandiers, figuiers, poiriers, abricotiers, orangers, mandariniers, vignes, citronniers et grenadiers... La présence de l’eau douce dans cette zone a permis le développement des cultures maraîchères et arboricoles étagées. A l’ombre des arbres, on cultive différentes espèces de légumes. D’autres arbres fruitiers sont irrigués aux eaux saumâtres. Il s’agit surtout des grenadiers qui donnent  leurs premiers fruits dès le mois de septembre. Les arbres fruitiers les plus répandus dans l’île sont :

Les vignobles
Les vignes se trouvent un peu partout. La variété la plus originale est  le Tounsi, raisin blanc, petit fruit délicieux et très sucré. Les vignes de l’île produisent de grandes  quantités de raisins qui se consomment frais, ou bien  transformées sous forme de raisins secs appelés Zbîb. En outre, les Juifs de l’île en fabriquent un vin local destiné à leur propre consommation.

Les figuiers
Il existe deux types de figuier dans l’île : l’un donne une seule production à partir de début Juillet sous forme de petits fruits délicieux, très sucrés, à la peau jaune verdâtre ou violette ; l’autre donne deux productions successives, la première vers la fin de Mai, la deuxième à partir d’Août. La première récolte se distingue par ses énormes et très savoureuses figues appelées Bither. Les figues sont soit consommées fraîches, soit séchées et conservées sous forme de Chrîh.

Les pommiers
Les variétés locales de pommiers dominent surtout dans la zone  d’eau douce.  Elles donnent à partir de la fin Mai un fruit, petit, farineux, très parfumé et très apprécié par le consommateur.
Les pommes de l’île ont eu leurs heures de gloire dans le passé puisqu' il existe au Nord-Est de l’île un port appelé Marsa Etteffah, c’est-à-dire port des pommiers, où avait lieu l’embarquement des pommes locales, en vue de leur exportation.

Pour arriver à assurer cette richesse de produits des outils et des techniques ont été développées par l’agriculture djerbien depuis des siècles comme le labour, le puisage de l’eau et le mode de sa répartition ainsi que les techniques de moissonnage et de battage.
Tout comme l’agriculture, la pêche est une activité importante dans la vie quotidienne du djerbien. La mer qui entoure l’île offre une variété impressionnante de poissons, d’invertébrés, de crustacés, de coquillages et d’éponges. Le djerbien tire un grand profit de cette richesse naturelle grâce aux méthodes qu’il a su inventer et adapter aux données naturelles.
Jadis l’île a connu un cabotage qui se faisait sur des petits bateaux, Chguèf, pour de petites distances, et sur de plus grands bateaux, Loud, pour les parcours plus longs. Ces bateaux voiliers ont relié les ports de Djerba aux autres ports de la côte tunisienne ainsi que quelques ports méditerranéens. Ils partaient chargés de poteries, d’huile, de tissus, d’éponges, de fruits et de poissons séchés, et ils revenaient, selon les régions, chargés de céréales, de laine.… Actuellement ne subsiste que  le cabotage reliant l’île au continent par le détroit d’Ajim.


Les différents types de poissons sont vendus par chapelets à la criée au marché aux poissons à Houmet Essoug. Le pêcheur livre son poisson à un Chakèk, qui à l’aide de tiges de régime de palmier procède à la mise en chapelet  du poisson, Chok. Quand le chapelet est prêt, on le passe à l’un des crieurs publics, Dallèle, assis sur de hautes chaises, afin qu’il l’expose aux enchères. Cette pratique est encore en vigueur à Houmt Essoug.
Parmi les particularités en outils et modes de pêche à Djerba, on cite :
La Pêcherie fixe ou Zriba
Il s’agit d’un système qui consiste à  planter dans la mer de longs murs de palmes, hautes de 2 mètres. La  pêcherie fixe se présente sous la forme d’un immense angle disposant d’une bissectrice appelée "mur de rabattage".
Chaque côté de l’angle comporte deux murs délimitant un couloir qui va en rétrécissant. Grâce au mur de rabattage, les poissons, entraînés par le courant, sont dirigés vers les deux couloirs qui, fatalement, les conduisent dans les chambres de capture renfermant plusieurs pièges sous forme de nasses, Drina. Le poisson y pénètre et ne peut alors plus s’en échapper. Le lendemain matin, le pêcheur viendra avec sa barque, relève la nasse à l’aide d’une perche et la remplace par une autre pour les prochaines pêches.

La Pêche à la sautade ou Demmessa
Cette pêche nécessite une organisation particulière et exige le groupement de quelques barques et d’un ensemble de marins. Quand le banc de mulets est repéré, un grand cercle est formé par les deux filets: un filet vertical incitant le poisson à sauter, et un autre horizontal, flottant en surface, Demmessa, pour capturer le poisson en fin de saut.

La Pêche à l’Epervier ou Tarraha

Le pêcheur tenant les plombs disposés sur son poignet droit et le reste du filet autour de son bras gauche, apercevant un groupe de poissons, principalement des loups ou des mulets, s’en approche et lance le plus loin possible ses plombs. Le filet s’envole de ses mains et retombe sur les poissons. Le pêcheur se redresse alors, puis ramène à lui le filet jeté par petits coups pour ne rien perdre de sa prise.

Le piégeage du poulpe
Le pêcheur immerge dans les hauts-fonds des dizaines de petits pots creux en poterie, reliés en chapelet à une longue corde. Les poulpes, à la recherche d’un abri, s’engouffrent dans ces cavités. Quelques jours plus tard, le pêcheur les relève et en retire les poulpes à l’aide d’une perche munie d’un crochet.

La pêche de l’athérine ou Ouzèf
Cette pêche pratiquée au filet nécessite une bonne connaissance de la mer. Les pêcheurs passent des journées entières sous une hutte à observer la haute mer et à guetter ces petits poissons  formant une très grosse tâche noire. Aussitôt la découverte faite, les pêcheurs, armés de palmes, se jettent dans l’eau en nageant dans le sens d’orientation de la tâche noire. Autour d’elle les pêcheurs, formant un demi-cercle, agitent leurs palmes pour repousser les petits poissons vers la plage, où ils seront capturés dans un filet spécial kîs.

La pêche aux éponges
Les plongeurs pratiquant cette pêche en apnée, peuvent atteindre parfois une profondeur de 20 mètres sans aucun équipement spécifique. Leur barque se distingue par un trou aménagé à la proue dans lequel se place le chef d’équipage, Rayès, qui s’occupe du repérage  des éponges dans le fond marin, à l’aide  d’un miroir, Mraya, placé sur l’eau.
Dès que l’éponge est découverte au fond de la mer,  un marin se jette à l’eau, attaché de sa ceinture à une lourde pierre. Arrivé au fond de la mer, le plongeur commence aussitôt à récolter les éponges dans son filet. Après quelques minutes, il jette la pierre et  remonte à la surface avec sa pêche. Ajim, au Sud-Ouest de l’île, était autrefois très réputé pour la pêche aux éponges  et ses habitants étaient presque tous des pêcheurs.
Pour cette activité ancestrale, les djerbiens avaient développé un processus de production avec des techniques appropriées
L’extraction de l’argile
Les zones où dominent les argiles gypseuses se trouvent dans la région de Guallela au Sud-Ouest de l’île. Les ouvriers se glissent par un orifice et descendent rapidement à travers un étroit et profond tunnel renfermant des marches d’escalier à peine ébauchées jusqu’au gisement d’argile. Arrivés au sous sol, ils allument les lampes et commencent l’extraction. L’ouvrier a peu de place et doit accomplir sa tâche plié en deux. Lorsqu’un couffin est rempli d’argile, un autre  ouvrier le remonte sur son dos jusqu’à la surface. Autrefois, le transport de l’argile vers l’atelier s’effectuait à dos de dromadaires  dans de grands bissacs en brins d’alfa, Zembil.

Le concassage
L’argile transportée depuis la carrière est déversée dans la cour de l’atelier, puis étalée dans l’aire d’épandage préalablement nettoyée, pour y demeurer quelques jours afin de sécher. Une fois sèche, l’argile est triée, puis concassée en grains très fins pour faciliter son détrempage dans l’eau. Ensuite on passe au tamisage que le potier doit effectuer avec un grand soin pour pouvoir éliminer les déchets.

Le délayage
Après son concassage, l’argile est mise dans un bassin en maçonnerie préalablement rempli d’eau de mer pour obtenir une poterie poreuse bien blanche ou d’eau douce pour obtenir des poteries dans des teintes un peu rougeâtres.

Le malaxage
Une fois sortie du bassin, la pâte est pétrie dans la cour de l’atelier et lorsqu’elle devient bien liante, on la transporte à l’atelier sous forme de tas appelés ‘Ajna. Après une semaine, le temps de fermenter, chaque  tas est découpé en morceaux au moyen d’un couteau spécial en fer. Ensuite le potier dépose un des morceaux à l’endroit de l’atelier destiné à cet usage, il le mouille légèrement et le pétrissage commence jusqu’à ce que la pâte d’argile devienne malléable. A la fin de ce piétinement, la masse d’argile est  mise dans le Galgal, où elle reste ainsi jusqu’au moment de son utilisation. Quand vient le moment du façonnage, l’argile est malaxée une dernière fois sur le bâti à pétrir, Medlek.

Le tournage
L’artisan empoigne à deux mains l’argile posée sur la girelle supérieure et par des pressions de ses paumes et de ses doigts, il donne progressivement à la motte la forme désirée; en même temps son pied imprime au tour un léger mouvement de rotation. De temps en temps, il plonge les doigts dans un petit récipient d’eau. Aussitôt que l’objet est achevé, l’artisan le détache du tour à l’aide d’une ficelle et le laisse sécher dans la cour ou au séchoir selon les saisons.
Les pièces volumineuses ne peuvent être montées en une fois à partir d’un seul pain d’argile comme les pièces de petit calibre car elles risqueraient de s’affaisser sous leur propre poids. Il est nécessaire de les façonner en étapes successives distinctes, comprenant à chaque fois apport de l’argile et séchage. L’artisan façonne toutefois  en une seule étape certaines poteries de gros calibre  de type Zir, Mahbes et Maajna. Dans le séchoir, où les pièces sont disposées à distance les unes des autres, l’artisan pose à la main les anses préalablement réalisées au tour.

L’émaillage des poteries
Pour émailler les poteries, deux glaçures à base d’oxyde de plomb  sont employées : les vernis vert et jaune. Les potiers vernisseurs de Guallela, les chaggâla, produisent eux-mêmes les vernis dans leurs ateliers. On obtient le vernis vert par adjonction de cuivre  et le vernis jaune par adjonction d’antimoine. Les dessins en brun foncé sont obtenus à partir du manganèse. Le potier trempe les pièces dans la cuve à émail ; en quelques heures l’émail est sec et à ce moment sa cuisson s’exécute dans un four. La technique du vernissage, jadis très répandue à Djerba, est  aujourd’hui inconnue par la plupart des potiers.


La cuisson et l’enfournement
Cette étape est l’opération la plus importante et la plus délicate puisqu’elle donne aux objets leur solidité et leur aspect définitif tout en exigeant l’emploi de températures très élevées. Le préchauffage du four commence de longues heures avant la cuisson. On débute à feu doux avec des bûches d’oliviers, ensuite on alimente le foyer à grand feu avec des branchages d’oliviers et de palmes. Le potier ne cessera d’alimenter son feu que lorsque les poteries seront devenues bien blanches.
Selon le type de poteries à cuire, les procédés d’enfournement diffèrent. Les principes à respecter sont, dans tous les cas, la protection des pièces contre l’affaissement et les fêlures, la répartition régulière de la chaleur et le gain maximum de place. En outre, le potier place habituellement des tessons pour caler les pièces et séparer leurs bords afin qu’elles ne collent pas les unes aux  autres durant la cuisson. A la fin de l’enfournement, le potier bouche très soigneusement les excavations qui ont permis de faire entrer les pièces dans le four et couvre les cheminons afin que ni le vent ni la pluie ne puissent pénétrer dans le four.
Ces techniques et ce processus donnent une variété de produits de différents types; grands et petit, chawat et émaillés. Le lieu de création typique de ces objets nécessaires à la vie quotidienne est l’atelier de poterie.
Le tissage est l’une des plus anciennes acticités économiques des hommes dans l’île. Elle avait fait la réputation de Djerba grâce à l’export de ses produits qu’ils soient en laine ou en soie, parure ou couvertures ou en encore tissus d’habillement pour les hommes et les femmes.
Les laines les plus appréciées par les Jerbiens sont celles à longs brins, plutôt fines, de bonne tenue, souples et élastiques et ayant peu de tendance au feutrage. Les couvertures djerbiennes, en laine, Farrachiyâ, constituant la branche essentielle de l’artisanat textile, se distinguent de celles des autres régions par une teinture plus fine, un ornement basé sur les rayures et une gamme de couleurs plus large. Outre les couvertures, les artisans tissent des drapés en soie pour les femmes et des tuniques masculines d’hiver.


Le tissage, étant une activité organisée et rituelle, il instaure un processus de production avec des techniques spécifiques :
Lavage de la laine
C’est une opération qui se déroule dans la mer. En arrivant au rivage, les laveuses laissent les crouteux  à part, le reste de la laine est mis à tremper dans un panier, Guerbèchâ, placé  sur un rocher au bord de la mer. Puis elles entrent dans l’eau pour procéder au lavage proprement dit. La laine est ensuite frappée avec  la base du pétiole de la palme, Kernefa, rincée à nouveau  jusqu’à ce que finisse le lavage. La laine est alors laissée sur le sable de la plage afin d’être égoutter avant le séchage complet.

Plâtrage de la laine
Le plâtrage a pour but de débarrasser la laine de ses impuretés que l’eau de mer  n’a pas attaqué. Les femmes délayent la poudre du plâtre dans un récipient en terre cuite,  Mahbes, puis elles y ajoutent de l’eau et elles y plongent la laine par mèches. Le lendemain, après le séchage complet, elles secouent les mèches puis elles les écrasent avec les mains  pour enlever le plâtre en poudre. Après ce plâtrage, la laine est alors prête pour le soufrage.

Soufrage de la laine
L’acide sulfureux ne pouvant agir efficacement qu’en présence d’eau, les femmes mouillent alors la laine à l’eau douce avant le soufrage; puis elles la placent en mèches plus ou  moins longues sur une cage en pétioles de palmes, Gfas Tabkhir. Quand  la cage est complètement recouverte,  par-dessus et sur les côtés, la femme glisse  en-dessous un réchaud en poterie, Kanoun, allumé avec du charbon et contenant du souffre. Afin d’éviter la déperdition du gaz sulfureux, la cage et la laine sont enveloppées d’une pièce d’étoffe mouillée. Les femmes laissent agir le souffre pendant plusieurs heures et ne découvrent la cage qu’au moment du filage.

Peignage des fils de chaine
La fileuse prend dans sa main gauche un peigne, Mchot, les pointes en haut, et dans sa main droite un flocon de laine. Elle accroche cette laine dans les dents du peigne par de légers passages successifs, en étirant à chaque fois le flocon. Quand le premier peigne est garni, la fileuse arrache cette laine avec un second peigne tenu de la main droite, les pointes en bas. Une fois le peignage proprement dit  est terminé, la fileuse procède alors à l’étirage  en plaçant le peigne garni sur le sol, devant elle, tout en  le maintenant avec ses pieds. A la fin de l’opération,  la mèche de laine peignée, Glèm, se sépare d’elle-même de la laine qui reste encore sur le peigne.

Cardage des fils de trame
Pour carder, la fileuse saisit une carde, Guerdech ou Guerchâl, dans sa main gauche, les dents en haut, et y dépose un flocon de laine lavée. Puis avec une carde identique, tenue à la main droite mais ayant les dents en bas, elle frotte la première carde cinq à six fois dans le même sens, sans que les dents  ne pénètrent les unes dans les autres. La disposition inverse des dents permet de briser la laine qui sera divisée en deux nappes égales qui restent accrochées dans chaque carde. La fileuse détache alors, avec la paume de la main, l’extrémité des nappes prises par les dents et les étire en forme de cylindre.

Filage de la laine
Pour filer, la fileuse s’assoit par terre, dans une hutte au sein du Menzel, en avançant sa jambe droite en demie flexion ; c’est sur son mollet qu’elle fait rouler l’axe du fuseau, Moghzèl. Ensuite, la fileuse  fixe l’extrémité de la mèche de laine cardée en l’enroulant simplement au bout du fuseau. Puis, par un glissement de la paume de la main droite sur le mollet, elle fait tourner le fuseau. Le fuseau de trame est différent de celui employé pour la chaîne par le fait qu'il est de dimension plus grande et ne dispose pas de crochet sur le volant.
Quand le fuseau se trouve garni, la fileuse dévide les filets de chaîne ou de trame enroulés dessus. Désormais le travail féminin est terminé, celui des hommes commence. La laine est ainsi prête à être tissée.

La teinture
Généralement la laine est utilisée sans modification de sa couleur d’origine qui peut être blanche, brune ou noire ; mais elle peut être aussi teintée avant  l’opération de tissage. La teinturerie à Djerba  était entièrement aux mains des juifs. Le travail du teinturier consiste à faire plonger la laine dans un bain de teinture, dans des chaudrons fumants. Quant aux teintures employées, elles sont préparées à partir  d’éléments naturels et organiques.

Dévidage et bobinage de la laine filée
Avant de commencer le tissage proprement dit, les filets  de chaîne ou de trame sont d’abord dévidés sur un dévidoir, Mkabâ. Une fois l’écheveau démêlé, l’artisan, grâce au rouet, Raddanâ, effectue le bobinage de la trame, constituant ainsi un certain nombre de petites bobines.

L’ourdissage
L’ourdissage est l’opération qui consiste à assembler les fils de chaîne en un nombre bien déterminé et à les enrouler par la suite sur l’ensouple du métier de tissage tout en passant par deux étapes: le  dévidage de la chaîne sur l’ourdissoir et le montage de la chaîne sur le métier.

La vente
La laine filée est généralement vendue aux enchères, au marché hebdomadaire de Houmet Essoug. C’est là que les tisserands viennent s’approvisionner. Les vendeurs exposent les grosses pelotes de chaînes et de trames  tout en criant les derniers prix offerts.
Après la vente, chaque fournisseur établit avec les fileuses les comptes. Jadis, les fileuses étaient payées à la part ; elles recevaient 2/3 du bénéfice contre  1/3 pour le fournisseur.

Le tissage proprement dit

Le travail du tissage se déroule, quotidiennement, dans un édifice dont la forme et l’architecture sont propres à Djerba : l’atelier de tissage. Le rôle du tisserand consiste à séparer les fils de chaîne en deux  nappes. En appuyant du bout de son pied sur un levier de pédale, il fait abaisser la lame correspondante et fait passer  par la suite, entre elles, avec ses mains, une navette, Nizg, contenant un petit morceau de roseau chargé de fil de trame qui va passer à travers les fils de chaîne. Enfin, il  pousse le battant amovible en avant pour tasser les duites  après le passage de chaque fil de trame sur toute la largeur du tissu. Le tisserand  prend place courbé du côté de l’ensouple  destinée à enrouler le morceau tissé,  sur une planche appelée Zarkoun, portée par deux supports chacun appelé Bhîm. En face de lui, un couffin accroché, toujours rempli de  bobines de trame. Son travail nécessite une attitude particulière du corps en mouvement puisque les bras, les jambes et le bassin y participent.
D’autres métiers artisanaux sont à compter dans l’île même s’ils sont d’importance moindre. Il s’agit de la boiserie où les spécialistes fabriquent essentiellement les coffres des mariées, mais aussi quelques portes d’édifice importants et ce en bois de palmier ou d’olivier généralement.
La vannerie aussi permet aux djerbiens d’avoir des nattes de jonc pour les maisons et les mosquées, des couffins et zembils pour leurs travaux et des chapeaux essentiel à l’habillement djerbien.
L’orfèvrerie est l’un des plus importants de ces métiers secondaires. Il est la spécialité de la commune juive qui s’en charge dans les traditions djerbiennes depuis des siècles.

 
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