La spiritualité

Sa position géographique, peu éloignée du continent, mais suffisamment pour être à l’abri des invasions, explique le rôle d’île refuge que joua Djerba tout au long de son histoire, abritant plusieurs minorités, et faisant partie de l’un des principaux centres primitifs de peuplement en Afrique de Nord. A travers son histoire, elle s’est vue abriter les juifs fugitifs après la destruction du temple de Salamon. Des chrétiens catholiques et orthodoxes y ont vécu en harmonie. D’ailleurs, les deux églises de Houmet Essoug en témoignent encore. Pour ce qui est des musulmans, l’île était un refuge à l’Ibadisme, Doctrine musulmane minoritaire. L’individualisme berbère toujours en rébellion l’avait adopté essentiellement pour ses conceptions religieuses égalitaires et puritaines en adéquation arec l’âme berbère enfiévrée d’ascétisme.
À partir du IXème siècle, l’île était partagée entre deux principaux partis ibadites qui sont les Wahhabites, El Wahbiyâ qui sont les adeptes et les partisans de l’Imam Abd El Waheb succédant à son père Rostom, et les Nokkarites, Enoukkâr, connus sous l’appellation, des Mestâwa, les partisans de Yazid Ibn Fendîn. Le différend, qui s’est déclenchée entre les ibadites du Maghreb, concernait  le sujet de la question de la transmission de l’Imama, essentiellement entre ceux qui s’opposent à la transmission héréditaire du pouvoir et ceux qui l’approuvent. Actuellement seuls les Wahhabites subsistent dans l’île, les  Nokkarites étant convertis au Malékisme.
Pour préserver leur identité parfois écrasée et soumise au secret, les djerbiens ont fondé l’organisation des Azzaba qui se substitue au pouvoir des anciens Imams, sous le règne d’un non ibadite. Cette organisation, fondée par Abou Zakaria Feçyl Ibn Abi Messouar a permis de préserver pacifiquement l’identité des Ibadites sans  présenter un danger pour le sultan qui n’aura plus à lutter contre eux.
L’Azzaba, a duré pendant neuf siècles à Djerba avant de s’effondrer. Elle prend l’aspect d’une grande institution religieuse et sociale qui gère la communauté et la vie de la collectivité et des individus. Pendant le XIXème et le XXème siècle, l’île a connu des mutations intérieures radicales. En effet, l’autorité de l’organisation des Azzaba s’est réduite petit à petit avec l’expansion du Malékisme surtout dans la zone de Houmet Essoug et dans les zones Nokkarites c'est-à-dire au nord et une partie du centre et du sud-est de l’île. Alors que la partie Wahhabite qui domine le reste de l’île est restée attachée à l’Ibadisme.
Une minorité de noirs habitent l’île et ils se sont convertis à l’islam. Une grande communauté juive vit depuis des siècles à Djerba et pratique ses rites en coexistant avec la majorité musulmane. Un grand nombre de synagogue en est témoin. Les hommes juifs se rendent quotidiennement à la synagogue la plus proche de leurs domiciles pour faire leurs prières, et également à l’occasion des fêtes qui sont nombreuses. C’est là que sont également examinées les affaires internes de la communauté.
Parmi les rites juifs, on cite le pèlerinage annuel.  La synagogue La Ghriba est un lieu de pèlerinage où affluent de tout le monde, chaque année, de nombreux pèlerins arrivant en masses.  En pénétrant dans la synagogue, chaque pèlerin allume une chandelle, adresse un vœu à La Ghriba, puis marchant vers le fond de la salle intérieure, atteignant l’armoire qui renferme les rouleaux de la Torah, il baise ses portes.  A la fin de la visite, les pèlerins reviennent à l’antichambre de la synagogue ; un à un, ils demandent aux religieux regroupés à l’entrée de réciter une prière en l’honneur de leurs morts et dégustent un verre d’alcool de figue, appelé Boukha, accompagné de fruits secs.
L’origine du nom de la synagogue La Ghriba est entourée de mystères et de légendes transmises par les juifs de Djerba autour d’une jeune fille vivant seule et qui, une fois morte, les villageois comprirent qu’elle était une sainte et ils édifièrent une synagogue, à l’emplacement même de sa cabane. Mais, l’importance de La Ghriba réside dans le fait qu’elle est la plus ancienne synagogue juive au monde.
Parmi les rituels du pèlerinage annuel de La Ghriba, la procession de la Mnâra, une imposante pyramide hexagonale sur les 5 degrés de laquelle sont inscrits les symboles de la tradition juive. L’après-midi, la Mnâra est placée dans la cour du caravansérail, revêtue d’étoffes dont chaque pièce est proposée à l’enchère des pèlerins. Ensuite, elle est portée en procession par la foule des pèlerins afin d’effectuer  le tour des synagogues encore en activité à Hara Esghira.
Les juifs de l’île utilisent plusieurs objets prophylactiques contre le mauvais œil : collier d’amulettes diverses accroché au mur, mains peintes ou moulées au-dessus des portes et des poissons de toutes formes suspendus à l’entrée des maisons ou figurant dans les fers forgés des portes et des fenêtres.

 
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