La société djerbienne

La société djerbienne est composite hétérogène puisque différentes races et religions y coexistent. On l’appelle même l’île des minorités. Mais, dans la diversité, une unité jerbienne est toujours présente et fortement perçue. Elle se reflète aux niveaux des pratiques et des us et coutumes du geste quotidien le plus simple aux traditions symboliques et complexes du mariage.

Malgré les difficultés que présente ce milieu naturel, ses quelques richesses ont pu donner à l’île un aspect d’oasis ou d’île jardin, ce qui a contribué à son occupation par l’Homme vu même son surpeuplement. Ainsi, les populations berbères, judéo-berbères, arabes, africaines islamisées, quelques turcs et même des pêcheurs maltais se sont rencontrés et ont vécu en bon terme mais sans se mélanger. La barrière religieuse, malgré la proximité des races, a constitué un obstacle quasi-infranchissable et les mariages endogamies ont permis de maintenir une certaine homogénéité ethnique.
Les habitants de l’île de Djerba sont, ainsi, le produit des courants migratoires successifs. Jusqu’à la fin du XIXème siècle, la majorité de la société djerbienne était composée de Berbères ou de Berbères arabisés, descendant de tribus berbères connues dans le Maghreb musulman au cours du moyen âge comme Hawara, Nfoussa, Zanata, Lemaya, Zwaga et Koutama. L’île n’est arabisée totalement qu’au cours du XXème siècle, après avoir connu des vagues successives de migration de nomades, venus des régions continentales proches, encouragée par la dynastie Husseinite, au pouvoir à cette période.
Dès la fin du XIXème et au cours du XXème siècle, s’est développée une vague d’émigration à partir de l’île vers le centre du pays et vers le nord où les djerbiens ont monopolisé le commerce de détail. Cette vague est suivie par une émigration inverse des nomades qui venaient massivement du sud-est.
Djerba a connu pendant des siècles l’existence d’une minorité européenne, composée essentiellement de Siciliens, de Maltais, de Grecs, en plus des Français dont la présence s’est intensifiée surtout pendant l’époque coloniale, 1881-1956. La population de l’île dépasse en ce moment les 200.000 habitants, alors qu’au lendemain de l’indépendance, le nombre était aux environs de 63.000 habitants. Cette évolution démographique est attribuée au développement incessant qu’a connu le secteur touristique dès les premières années de l’indépendance.
Le mariage est une institution sociale qui reflète la civilisation et le groupe social qui l’instaure. Les différents rites et traditions du mariage donnent une idée sur l’image du monde que se fait cette société. A Djerba, on note une diversité de ces rites entre musulmans et juifs et des différences entre les différentes régions. On use d’un grand nombre d’objets rituels spécifiques et sacralisés pendant les cérémonies. Malgré les différences, on peut dégager les étapes majeures communes aux musulmans de l’île :
La Hajba
Une fois la date du mariage fixée, la jeune mariée se doit de se dérober des regards pour se préparer à sa nuit de noces. Elle reste à la maison pour se reposer, manger et se protéger de la chaleur et de la lumière crue du soleil. Le but est de se faire une beauté : une femme en bonne santé avec une peau blanche rayonnante. Pour entamer cette période d’isolation, la mariée avec ses copines et ses cousines rend visite à la mosquée du quartier ou a un olivier centenaire selon les régions, et ce pour solliciter sa bénédiction ou "barka".
Le nettoyage du Menzel et la préparation de la Zommita
Peu de temps avant le mariage les préparatifs commencent hâtivement chez les deux familles. Ils prennent une dimension collective, où se conjuguent les efforts des différentes familles de la houma dans une ambiance de participation spontanée, enthousiaste et  solidaire. Les femmes se rassemblent et s’occupent du nettoyage des alentours du houch et de la préparation de la provision du mariage constituée essentiellement de Zommita.

El barboura
Ce mot épouse deux significations selon l’usage en vigueur dans l’île. Le premier désigne la visite rituelle à l’un des oliviers se trouvant dans la maison du marié ou de la mariée. Cette visite s’organise durant les festivités du mariage traditionnel dans une période bien déterminée et avec un cérémonial bien précis. Le deuxième sens désigne le cortège formé par une ligne droite composée de jeunes garçons, de filles ou de femmes au nombre de 5 y compris le marié ou la mariée. Ils se tiennent debout les uns à côté des autres couvrant leurs têtes  par le drapé du Biskri qui descend en même temps sur leurs dos.



La teinture du henné
Cette tradition est considérée comme un rite de passage qui concerne aussi bien les enfants à l’occasion de leur circoncision, que les jeunes à l’occasion de leur mariage. L’usage du henné est limité chez les hommes à l’un des doigts de la main et parfois une partie de la paume. Il est à noter que la mariée, dans la plupart des régions de l’île, reçoit des cadeaux du marié lors de deux occasions El henna Essghira et El henna El Kbira.

Le festin
Le festin se déroule généralement au cours du troisième, jour chez le marié. Après le coucher du soleil, on distribue la nourriture, cuisinée pas loin de la maison, aux invités qui s’assoient à califourchon  se préparant à manger.

El Mahfel
L’expression El Mahfel indique l’endroit en plein air, où la cérémonie nocturne du mariage a lieu ainsi que le spectacle musical que donne et anime souvent un groupe de tabbalâ avec leurs costumes typiques. Le groupe folklorique des tabbalâ comprend parfois d’autres membres ne jouant pas d’instruments, mais pratiquant la danse collective des Ezzgâra. Ils forment un cercle et chacun détient un gros bâton avec lequel il frappe tantôt le bâton de celui qui le suit tantôt celui qui le devance et ainsi de suite. La veillée se poursuit jusqu’à une heure tardive, dans une ambiance cordiale et plaisante.

El Jahfa et la Jelwa
Ce mot est attribué au cortège transportant la mariée de la maison familiale à la maison conjugale dans un palanquin  à dos de dromadaire. Une foule de proches et d’invités forme ce cortège. Au milieu, le dromadaire, les hommes et les enfants  en tête, les femmes et les filles à l’arrière. Ce cortège se déroule à une heure tardive dans la nuit qui sépare le deuxième et le troisième jour chez El Wahhabites, pendant le jour, précisément avant le coucher du soleil, chez les Mestawa.
La Jelwa est une cérémonie pendant laquelle la mariée est présentée dans ses atours les plus somptueux, aux femmes invitées pour la circonstance, juste avant de rentrer au coucher du soleil dans sa chambre nuptiale. Cette chambre, appelée Dar, constitue l’unité d’habitation d’un couple marié   appartenant à une famille patriarcale élargie. Il s’agit d’une pièce polyvalente, composée de plusieurs sous espaces, assurant des fonctions diverses. Ainsi, chaque chambre, est dans son ensemble, constituée d’une sorte d’appartement indépendant. La chambre dispose d’un agencement très fonctionnel  qui se traduit spatialement  en quatre  parties très distinctes. L’espace central fait office de séjour. A gauche de l’entrée, l’espace en alcôve est la chambre où dort le couple en hiver. A droite de l’entrée, une chambrette à l’étage sert pour la sieste et le sommeil en été, de même lorsque les enfants du couple grandissent, ils y dormiront. Enfin, au-dessous  de cette chambrette, on trouve un petit  espace consacré aux ablutions rituelles et à tout ce qui est en rapport avec la propreté du corps. Ce même espace est utilisé parfois pour ranger les habits dans de grandes jarres.
Un coffre à vêtements en cèdre  peint est placé dans un coin  du séjour. Il est  offert à la mariée par ses parents pour ranger et transporter son trousseau à la maison conjugale. Une étagère à miroir en bois ouvragé et peint est accrochée au mur à proximité du lit. Au-delà de son rôle décoratif, elle se caractérise aussi par son rôle utilitaire puisqu’elle permet d’y accrocher les vêtements et d’y disposer divers ustensiles de maquillage féminin.
Parmi les différences entre les régions de l’île, on peut citer l’existence d’un rituel de la Jelwa du marié seulement dans certaines régions des Mestawa à l’est de l’île. Au moment du coucher du soleil et dès que sa conjointe achève la cérémonie de la Jelwa, il se prépare lui aussi pour effectuer le même rituel. Pour se présenter à cette cérémonie, il  porte un habit d’apparat, destiné spécialement à cette occasion.
On note aussi le rituel d'El Bambar, notament à Mahboubine qui intéresse uniquement la mariée et s’organise avant son déplacement vers le nid conjugal, à une heure tardive après que la mariée eut effectué sa visite rituelle à l’olivier. On apporte des blocs de pierres dans le patio du Houch, on met dessus un bât de dromadaire ou de mulet et une charrue et on fait couvrir l’ensemble par une couverture en laine blanche où on fait asseoir la mariée. Récemment et dans la majorité des régions de l’île, la mariée s’assoie désormais sur un coffre de vêtement en bois peint et clouté. Alors, la pareuse, Zayyana se met à tresser sa chevelure, ornée de divers bijoux. Ensuite, la Zayyana entame une danse autour de la mariée jouant avec une épée ou un bâton dans des mouvements rythmés.
Pour ce qui est du mariage juif, le rituel qui accompagne le mariage est d’une longueur exceptionnelle ; pas moins de deux semaines d’actions publiques et privées. Le respect des moindres détails des proscriptions et des interdits religieux ne se réalise que dans le respect non moins absolu des coutumes de Djerba. Les différences sont surtout au niveau des costumes et des objets rituels à connotation religieuse. Les Costumes de cérémonie de la Jelwa varient aussi selon les régions.
Avec les deux principaux personnages du mariage qui sont le mari et la mariée, quelques grands acteurs y interviennent dont essentiellement :

El hajjam
Le barbier, dit El hajjâm, est un personnage fondamental, ayant une présence intense et efficace dans l’animation des manifestations festives qui agrémentent le mariage traditionnel djerbien en orientant les maîtres de la fête à exercer, selon les règles de l’art, les rites et les cérémonies en vigueur. On appelle hajjâm  à Djerba celui qui appartient à un groupe ethnique  appelé hajajmâ dont les membres sont répartis sur plusieurs localités de l’île, hwem. Cette ethnie se caractérise par l’exercice du métier de coiffeur, la circoncision et l’animation des mariages. Chez les Mestawas, on l’appelle Bèrrèh en rapport avec sa tâche principale pendant les fêtes musicales qui réside dans, Ettabrîh, c’est-à-dire nommer ceux qui lui donnent de l’argent comme aide pour la troupe musicale.

La zayyana
La zayyana est un personnage fondamental pour la tâche principale qui consiste à bien préparer la mariée pour le jour des noces en lui donnant les soins de beauté nécessaire. Elle assure aussi la tâche d’animer des soirées chantantes réservées aux femmes et parfois elle est chargée de cuisinier.

Sèbeg Rezgou
Un jeune garçon, Sèbeg Rezgou, est chargé de porter quatre œufs dans un petit paquetà la maison du marié. Il court en silence et lorsqu’il arrive, il ne commence à parler que si on lui donne à boire. Ensuite, il suspend le petit paquet tout près du  lit nuptial. Ce rituel signifie que la mariée aspire à une nouvelle vie conjugale  inondée  de fécondité et de prospérité.
Dès que la grossesse est signalée, les préparatifs de la famille débutent pour accueillir le nouveau-né tant attendu. On commence à préparer ses vêtements. Mais lorsque la date de l’accouchement approche, démarre le reste des préparatifs ayant trait à la préparation de l’encens et  à tout ce qui est nécessaire pour cuisinier et pour préparer les mets et les pâtisseries qu’on va offrir aux femmes venant lors du septième jour  pour adresser des félicitations.
On offre aux femmes des mets spécifiques à cette occasion comme Tbikha et des variétés de pâtes sucrées qu’on appelle Bsâyès , Bsîsâ au singulier. À leur tour, les femmes offrent des cadeaux à la mère du nouveau-né. Les djerbiens veillaient à mettre le nouveau-né dans la carapace d’une tortue, appelé, Douh, qu’il occupe pendant 40 jours pour dormir et ce dans l’idée de vivre aussi longtemps que la tortue.
La circoncision, Etthour, représente un événement important dans la vie de l’enfant, du moment que c’est un devoir religieux qu’on ne peut éviter dans la vie d’un musulman. À Djerba, la circoncision se fait prématurément. Dans certains cas, l’âge du  circoncis ne dépasse pas un an.
Pendant la nuit, l’enfant prend un bain avec l’aide de certaines de ses proches. Ensuite, l’une de ces dernières teint au henné l’extrémité de l’auriculaire et une partie de la paume de la main droite. Puis, les femmes présentes se vouent aux chants et aux danses. Dans certaines régions de l’île, on organise une procession rituelle à l’olivier, à laquelle participent l’enfant, certains proches et invités, dans une ambiance non exempte de chants et de you-you.
Pendant la journée, et dès le matin, s’organisent en toutes hâtes d’autres préparatifs liés aux mets qu’on va distribuer, le soir, aux invités. L’après-midi, et avant la circoncision, l’une des femmes prépare l’endroit où l’enfant va être circoncis. Elle étend une couverture à même le sol qu’elle couvre de sable pur. Pendant ce temps-là, le coiffeur, El hajjam, qui se charge lui-même de la circoncision, coupe les cheveux de l’enfant. La tâche terminée, on invite les hommes à prendre part à l’acte de la circoncision. On fait venir, après, l’enfant, bien habillé, orné d’amulettes qui éloignent le mauvais œil. Un proche le fait asseoir, ensuite, sur ses jambes, près du coiffeur. Tous entourés par l’assistance qui maintient un drapé appelé, Biskri, pour empêcher la vue de l’acte. Simultanément, on brise des récipients en céramique. Non loin de cette assemblée, la mère du circoncis se met debout, entourée par des femmes, attendant de recevoir l’enfant après sa circoncision, émettant sans arrêt des  you-you et chantant.
Parmi les autres traits distinctifs de l’enfance, on trouve les jeux auxquels s’adonnent les enfants, garçons et filles. On prépare les enfants au cours de cette période importante de leur âge à assumer des responsabilités qui leur seront confiées et dont ils se chargeront plus tard. On cite comme exemple le jeu des œufs.
Pendant les deux derniers jours du Ramadan qui précèdent El Aid Essghir, l’occasion est  donnée aux enfants pour se rendre au marché hebdomadaire le plus proche de leur domicile pour assister à des cérémonies particulières. Les deux jours s’appellent El ‘Arfa Essghira et El ‘Arfa El kbira. Les marchands exposent des jouets, des friandises et des fruits secs. Des jeux sont organisés, comme celui qui se déroule à Midoun autour de l’olivier nommé Zitounet El Adham. Les enfants se réfugient sous son ombre pour se protéger des rayons du soleil, en pratiquant le jeu des œufs durs et colorés. Ce jeu se déroule entre deux joueurs, l’un jette ses œufs  sur les œufs de son adversaire. Suite à leur entrechoque, on inspecte leurs états pour savoir celui qui est touché et celui qui ne l’est pas. L’œuf touché est saisi par celui dont l’état de l’œuf est intact. Lorsque les deux œufs sont touchés, on continue la compétition si leur état le permet, sinon les deux joueurs sont obligés d’abandonner l’arène au profit  d’autres joueurs.  
La famille djerbienne ne ménage aucun effort à inculquer à ses enfants, dès leur jeune âge, les principes de la religion, ses crédos et ses prescriptions. On les envoie, en effet, aux écoles coraniques, les koutteb, répandues un peu partout dans l’île. Ils apprennent les lettres de l’alphabet arabe, au début, la lecture et la récitation ensuite et l’écriture enfin. À côté des écoles coraniques qui fournissent les phases élémentaires de l’éducation, on trouve les écoles ou Médersa.


El kouttèb
Le kouttèb, est un lieu où l’enfant se rend dès qu’il atteint un certain âge pour apprendre les versets du Coran, sous la surveillance d’un maître, El Meddeb. Chaque enfant commence par nettoyer sa planche en utilisant une sorte d’argile gris clair. Ensuite, il met sa planche à sécher face au soleil. Une fois sèche, l’écolier, assis sur une natte, commence à écrire des versets du Coran dictés par son maître. L’écriture se fait à l’aide d’une plume taillée dans un morceau de roseau et d’une encre traditionnelle à base organique. Après l’achèvement de l’écriture, l’élève commence à lire ce qui est écrit sur sa planche à haute voix et il le répète maintes fois jusqu’à ce qu’il l’apprenne par cœur. Après quelques années les parents des élèves, ayant appris à réciter tous les versets du Coran par cœur, organisent une petite cérémonie dite, khetmâ, lors de laquelle des plats de couscous garni de viande sont servis, où maître et élèves déjeunent ensemble. Les élèves ayant achevé leur apprentissage au kouttèb et qui veulent poursuivre leurs études peuvent fréquenter les Médersa où l’on enseigne diverses sciences et notamment celles de la religion et de la langue.
Les Médersa
Certaines mosquées ont joué le rôle de lieu du savoir durant des siècles. Elles drainaient des étudiants s’initiant à toutes les connaissances. Ce genre d’étude est dispensé en suivant une discipline très stricte sous la houlette des Cheikhs érudits. Parmi les écoles les plus illustres, il y a lieu de citer l’école de Jamaa Bou Mesouer à El Hachen qui date du Xème siècle, l’école de Jamaa Welhî à Wed Zbib qui date du XIVème siècle, la medersa joumnia à Houmet Essoug qui date du XVIIème siècle, l’école de jamaa El Bassi à Waleg qui date du XVIIIème siècle.
De ces medersas et de la transcription des cours résulte la création de plusieurs bibliothèques, dans les plus importantes mosquées qui abritaient l’enseignement traditionnel. Ces bibliothèques comprennent les ouvrages essentiels qui servaient à l’enseignement. L’industrie des livres était parmi les services inhérents à la mosquée. Le calligraphe transcrit les textes sur des cahiers avant de les regrouper dans des volumes. Les manuscrits djerbiens se distinguaient par leur écriture au style marocain et par la simplicité de leur ornementation. On utilisait généralement l’encre noire tirée du fumier des animaux qu’on brûle et qu’on mélange, avec de l’eau, l’encre ainsi obtenue est conservée dans un encrier en céramique.
Après l’enfance, vient la puberté considérée comme un tournant capital dans la vie de l’enfant. Parmi les manifestations les plus importantes qu’on organise à cette occasion, on trouve Essyâm qui indique que le garçon ou la fille entame la pratique du jeûne pendant le mois saint de Ramadhan. Cette cérémonie s’organise souvent à l’échelle de la famille et parfois en compagnie des proches ou des voisins pendant la nuit qui précède le début de ce mois.. La fille se prépare pour cette cérémonie comme il se doit. Elle prend, en effet, un bain et enfile ses plus beaux vêtements. Ensuite, sa mère, ou celle qui la remplace, lui teint les mains et les pieds avec du henné, entourées par des femmes et des jeunes filles qui émettent des you-you  et on leur offre Bsîsèt Essyâm : une sorte de pâte sucrée, préparée spécialement pour l’occasion. D’autres portions de cette pâte sont distribuées aux proches et aux voisins de la famille.  Le garçon se prépare de la même façon pour cette cérémonie. Cependant, la teinture avec du henné chez les garçons n’est pas répandue dans toutes les régions. Quand cela existe, il ne dépasse pas l’extrémité de l’auriculaire de la main droite.
La richesse de la civilisation de cette société se traduit par une diversité des costumes entre ceux quotidiens et ceux cérémonials ou spécifiques comme ceux de la circoncision et du mariage. L’habillement se diversifie selon les régions et entre commune juive et celle musulmane malékite et ibadite. Les costumes féminins sont ceux les plus riches mais les costumes masculins aussi affichent une diversité et un souci du détail dans certaines régions de l’île. Le costume des femmes juives de l’île est typiquement djerbien; sa seule particularité est le port de la coiffe, que les musulmanes de l’île n’ont jamais adopté.
Le costume  féminin djerbien est basé sur le drapage autour du corps d’un tissu spécifique. Il existe dans l’île deux manières de retenir ce drapé. On constate deux grandes zones vestimentaires dans l’île : une zone englobant  le Nord-Est et une partie  du Centre et du Sud-Est de l’île où le drapé est retenue près de l’aisselle gauche par l’un de ses deux pans moyennant une agrafe en argent doré, Khlèl, tandis que l’autre pan  est utilisé pour couvrir la tête. L’autre zone s’étend sur tout le reste de l’île où le drapé est fixé au milieu de la poitrine moyennant une agrafe en argent doré tandis que la tête est couverte d’un voile indépendant. Les femmes d’El May, au centre de l’île, ont adopté une autre méthode pour fixer le drapé sur leur tête. Elles le retiennent grâce à un petit foulard ou un ruban qu’elles nouent autour du cou.


Les femmes djerbiennes portent des chapeaux tressés en folioles de palmier, dallèla, de jour comme de nuit, pour se protéger la tête et surtout le visage des facteurs atmosphériques qui attaquent la peau. Il s’agit là d’une tradition qui ne se voit nulle part ailleurs en Tunisie.
Deux types de chapeaux caractérisent les deux grandes zones vestimentaires de l’île : les femmes du Nord-Est et une partie  du Centre et du Sud-Est portent un chapeau pointu et à large bord tandis que les autres djerbiennes préfèrent un chapeau pointu et à bord rétréci.
De nos jours, ces deux  types de  chapeaux  sont en train de disparaître, avec l’adoption d’un chapeau qui était auparavant réservé aux hommes.
A part les costumes de mariage, le djerbien porte, à certaines occasions, d’autres costumes typiques comme celui de la circoncision avec une longue chemise et un gilet à manches longues dont le dos et les pans du devant sont richement brodés de fil d’argent. Les Costumes des musiciens sont aussi remarquables.
Pour arriver à cuisiner ses divers plats, la femme djerbienne a recours à des outils dont certains sont très ancrés dans la tradition. Ils sont diversifiés en formes et en matériaux. Chacun a un usage particulier et précis. Mais la majorité est en poterie. Plusieurs plats sont typiques de l’île. On en cite les plus spécifiques :

Zommîta
Farine à base d’orge grillée mélangée avec des lentilles, du fenugrec, du coriandre et du fenouil légèrement grillés. Le mélange qui en résulte, après l’adjonction  de boutons de roses séchés, d’écorces d’oranges  et de sel,  doit être moulu et tamisé pour obtenir une poudre qu’on emmagasine durant toute l’année. Cette farine se consomme sous forme d’un liquide, Dardoura, ou d’une pâte, ‘Abbouda. Pour la Dardoura, on mélange, sans cuisson, la farine de la Zommîta avec un peu d’huile d’olive et de l’eau jusqu’à obtenir un liquide. Et pour la ‘Abbouda, on mélange la même farine avec un peu d’huile d’olive et très peu d’eau jusqu’à obtenir une pâte nutritive roulée à la main. En été, cette pâte est prise le matin accompagnée de fruits frais: raisins, figues, figues de barbarie.

Bsîsâ
On mélange, sans cuisson, la farine de blé dur grillé avec de l’huile d’olive et du sucre  jusqu’à l’obtention d’une pâte. Parfois, on utilise des lentilles grillées. La tradition veut qu’un autre type de Bsîsâ fait d’une pâte sucrée dite kmèmen, composée de blé moulu, de pois chiches, de lentilles, de fenugrecs, de coriandre, de grains d’anis, de  fenouil, de  cumin noir, de sucre et d’huile d’olive, soit présentée à la femme qui vient d’accoucher pendant quelques semaines afin de l’aider à reprendre ses forces.



TbiKha
Sorte de bouillon dans lequel on fait cuire des lentilles, des fèves, des pois chiches et des morceaux de viande salée et séchée. On sert ce même bouillon à la maman du nouveau-né tout en remplaçant les lentilles par des fenugrecs en y ajoutant quelques citrouilles.



Lahhoussa ou Lahset dguig ghsab
On mélange, sans cuisson, la farine de sorgho avec un peu d’eau jusqu’à obtenir une pâte liquéfiée. En hiver, cette pâte est prise le matin accompagnée de figues sèches ou de dattes.

‘Ich Bidha
Bouillie essentiellement à base de farine d’orge, ou de blé. Servie couverte d’huile d’olive ou de beurre, avec au milieu un creuset plein de sucre ou de miel. Ce plat est préparé à l’occasion de la date de l’anniversaire du prophète, le Mouled, et en ramadhon.

‘Ich  Bel hsâ
Bouillie servie avec une sorte de sauce appelée Ḥsâ. La base de cette sauce est la farine d’orge ou de blé, cuite dans une marmite avec de l’eau et un peu de sel, arrosée par la suite d’un mélange d’huile d’olive, de graisse de mouton, de tomates, de piments piquants, d’une variété d’ail appelée Yazoul et d’épices.

Kesra
Le four à pain, Ṭabouna, tel qu’il existe ailleurs en Tunisie est absent dans l’île. Le type de pain connu est la kesra, frit avec de l’huile d’olive, dans un plat en métal placé sur le feu. Parmi les divers types, on a la Marfoussa qui est un mets se composant de kesra coupé en morceaux, arrosé d’une sorte de  sauce comprenant un mélange d’huile, d’oignons très fins, de tomates, de d’harissa, de sel et d’épices dont essentiellement le Yazoul.



Mhamsa Bel ‘obân
Ce mets se compose d’une variété de pâte à petits grains ronds de semoule de blé,  Mhamsa, avec  des andouillettes séchées, ‘obân, au singulier ‘osbanâ,  et se prépare avec de la tomate, du sel, de l’harissa, de l’ail et des épices. La même pâte peut être servie avec de la viande et parfois des œufs durs.

Mchalouéch Bil Ouzéf
Ce mets est fait avec du pain coupé en morceaux grillés arrosés d’une sorte de  sauce composée d’un mélange de tomates, d’harissa, du sel, d’épices et de très petits poissons séchés appelés Ouzèf.

Les Couscous
C’est un plat à base de semoule de blé roulé et cuite à la vapeur au-dessus d’une sauce composée d’huile d’olive, d’oignon, de sel, d’harissa, d’épices  et parfois des légumes. Une fois l’ensemble bien cuit, on met les grains de couscous dans un plat, on y verse la sauce puis on les mélange et  on les garnit avec les légumes et la viande ou le poisson....


Il y en a à Djerba plusieurs variétés de coucous dont le Malthouth, à base d’orge grillé  et concassé que l’on prépare de la même façon que le semoule de blé, le Masfouf, coucous garni de morceaux de viande salée et séchée et qui, à la différence des autres plats de couscous, est cuit au-dessus d’un récipient contenant uniquement de l’eau tandis que sa sauce cuit dans un autre récipient indépendant et le Couscous dit Bel hoût ou Bel Lham Fil kèskès qui exige, en plus de la marmite de la sauce, l’utilisation d’un couscoussier spécial à deux compartiments. Dans celui du bas, on dépose la viande ou le poisson épicé; en haut, on met les graines de couscous.

 
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